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MONSIEUR, Je serois indigne de l'obligation qu'en faveur et consideration du public ay receu de vous, si je taisois et ne publiois par tout, comme sur ce qu'estois tous les jours recherché par ceux de nostre France, et toutes sortes d'estrangers, du Dictionaire reueu par Mr. Nicot, m'estant adressé à vous, sans neantmoins y avoir autre cognoissance que celle que tout le monde a de vos merites, m'avez humainement receu, et franchement mits és mains ce, qu'apres le decez dudit Sr. Nicot s'estoit venu rendre chez vous, comme en lieu de seureté, contre la barbarie et l'ignorance. AINSI c'est à vous seul, à qui ceux qui sçavent assez l'utilité de ce livre, en doivent la recognoissance: et duquel partant avez comme taisiblement accepté la protection, contre ceux qui le penseroient inutile, ou peu necessaire. A quoy sans doubte, outre l'inclination qu'avez au bien, et à ce qui est de la vertu, deux choses sembloyent vous obliger: La premiere est le ressouvenir de la generosité de vos ancestres; l'un desquels estant remarqué avoir long temps, et courageusement insisté à ce qu'il ne feust rien innové de nos anciennes maximes, et façons de vivre, la correspondance d'ailleurs estant grande entre le langaige et les meurs d'un pays, semblés estre engaigé de moyenner, en tant qu'en vous sera, que par le restablissement de nostre parler ancien (plus ferme, plus court, et plus significatif, que celuy qui a depuis esté receu) l'on reprenne le chemin de pouvoir revenir à la generosité, constance, et magnanimité de nos peres: Dont mesmes les actes et proüesses depuis trois, quatre, et cinq cents ans (faulte d'estre entenduës) ne peuvent estre ni goustées assez par les nostres, ni admirées par les estrangers, sans l'entiere et pleine cougnoissance de la langue, telle qu'elle estoit lors, que leurs histoires ont esté escrites: Laquelle cougnoissance neantmoins, ne se peut acquerir aisément d'ailleurs, que par ce livre, Lequel defunct Mr. Nicot, peu au paravant son decez, estant enquis du bien que pouvoit moyenner ce sien travail, dit: Devoir estre reputé le bausme de la langue Françoise, l'autre et derniere raison, est la consideration de vostre qualité, car oultre ce, que vous ayant icelle fait assez recougnoistre pour protecteur exact du bien et de l'honneur d'un chascun, vous ne pouvez desnier à la France la mesme volonté et affection; Il y a une autre rencontre en ce subject particulier, Qui est, que ce fut defunct Monsieur Ranconnet (recougnu pour l'un des plus doctes de son temps) qui premier s'advisa, estant en pareille dignité que le vostre, de donner au public ce present Dictionaire, Mais ni ayant mis la derniere main, et pour cela ne desirant y estre nommé, Monsieur Nicot l'ayant reveu et infiniment augmenté ne luy pouvoit de verité souhaiter plus seure retraicte que chez vous: Auquel (pour ce que ledit Sr Nicot l'avoit ainsi voulu) ay donné le tiltre de Thresor de la langue Françoise: y ayant oultre adjousté le Nomenclator de Mr du Jon, avec une Grammaire, et un recueil des Proverbes de nos anciens François, poussé d'une extreme affection qu'ay de ne manquer à rien de ce que j'estimeray estre du bien du public: non plus qu'à ce que je recougnoistray me pouvoir acquerir et conserver la qualité de
Vostre tres-humble et tres-affectionné serviteur, DAVID DOUCEUR.
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